► ► L'article du magazine Miroir de l'Art, Juillet 2024.
Texte de Ludovic Duhamel.
L'oeuvre protéiforme des Staëlens est une synthèse audacieuse des expressions qui les ont précédés. Prendre le temps d'observer leur travail c'est plonger l'oeil et l'esprit dans le récit ancestral des humaines destinées....
Peut être est-ce parce qu'elles nous évoquent les figures d'une mythologie enfouie au plus profond de chacun d'entre nous, que les sculptures à quatre mains de Ghyslaine et Sylvain Staëlens possèdent un tel pouvoir de fascination... Elles s'imposent à nous avec la semblable efficacité des personnages de la statuaire romane, des fétiches africains ou, par exemple, des figures rambaramp de Vanuatu (Océanie), ces effigies funéraires anthropomorphes qui enchâssent le crâne d'un personnage important (chef ou guerrier) sur une structure de matériaux divers... Elles explorent de façon originale et complexe les assises souterraines de nos civilisations, excavant par le biais d'une figuration singulière les turpitudes de nos existences.
Les deux artistes basés dans le Cantal, "repérés" jadis par le grand critique de l'art brut Laurent Danchin, vouent leur existence à la création. Ils élaborent de concert d'étranges et totémiques assemblages de divers matériaux, puisant dans l'inanimé (bois flotté, racines, pierre volcanique, tissu, métal rouillé...), les ferments d'un art hautement expressif. On fait silence devant leurs oeuvres, et il me semble parfois en les observant, qu'elles sont plus anciennes qu'il y parait, qu'elles viennent de très loin.
Il y est question d'une humanité en prise avec ses démons intérieurs, qui lutte pour s'en affranchir, et qui, parfois, y parvient. On se souvient dece bas-relief magistral et d'impressionnant format intitulé "Tourments", qui présentait de bileux personnages, empêtrés dans leur existence. Tourmentés par une multitude de choses, symbolisées par les serpents : par des peurs multiples, des addictions, des névroses, d'anciens chocs émotionnels, etc.
De nouveau, les Staëlens nous présentent de semblables figures, à ceci près, semble-t-il, que ces dernières parviennent à surmonter les écueils qui ponctuent leur quotidien. Une sculpture intitulée "L'Homme aux serpents" en est l'illustration : on y voit un personnage libéré de ses liens, qui a combattu ses tourments avec succès, les serpents domptés à ses pieds, apprivoisés, en témoignent.
Les sculptures des Staëlens, regroupées en l'occurence, pour l'exposition de la Chapelle Ste Anne, sous le titre "Passagers de l'incertain", témoignent à leur façon du destin chaotique des humains, des peurs ou des doutes qu'ils doivent sans cesse affronter, des épreuves que le sort leur réserve, de leurs défaites comme de leurs victoires. S'ils vivent dans l'incertitude du lendemain, ils n'en sont pas moins embraqués dans un voyage captivent, plein de chausse-trappes comme de belles surprises. <L.D