Ghyslaine et Sylvain Staëlens

Sculptures


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Publié par Ghyslaine et Sylvain Staëlens

Catégories : #Biographie, #Expositions

 

Ghyslaine et Sylvain Staelens sont nés en1960 et 1968 à Paris.

Leur longue balade fusionnelle de plus de quarante ans est l’aboutissement d’une rencontre scellée par l’urgence commune de création artistique et leur complémentarité intellectuelle. Les deux artistes composent leurs œuvres à quatre mains, cas rarissime dans l’histoire de l’art.

Ce long cheminement a été émaillé de périodes difficiles et la vie parisienne a refermé sur eux le piège pénible et inquiétant de l’addiction. Au gré d’emplois réguliers dans le domaine informatique pour Ghyslaine, et de la télévision pour Sylvain, ils ont su que cette forme de vie n’était pas pour eux.
Pour s’en échapper ils entreprennent plusieurs voyages au Mexique et tentent de changer de vie dans le sud de la France.

Après quelques incertitudes et égarements, l’opportunité de s’installer dans une maison isolée sur les terres magiques des volcans d’Auvergne sera libératoire. La proximité avec ce monde tellurique sera révélateur de leur nature dans une quête artistique hors du commun. La collecte des matériaux dispensés par cette région magique commence... Les pierres, lichens, bois et autres matières sont assemblés dès 1995 pour constituer leurs premières sculptures ...

La rencontre s’est faite entre un paysage extérieur et un monde intérieur qui leur est commun. Ce paysage âpre, sans âge, les a dépouillés d’une modernité superflue qui a laissé place à leur imaginaire enfoui. La rudesse de l’environnement, imprégné d’éléments de christianisme et de magie primitive, les a profondément inspirés. Ils ont exploité sans limites et mis à jour des parcelles de vérité cachée. La Terre est leur élément et ils lui empruntent ce qu’elle a de plus noble. En osmose totale, l’un continue la sculpture que l’autre a commencée, sans heurts, sans que l’on puisse deviner quelle main a posé la dernière ou la première pièce. Une cohabitation de deux personnalités qui confère à leurs œuvres une identité unique troublante, marquant ainsi leur place dans le paysage de l’art contemporain.

Leurs créations dégagent une aura mystérieuse et un flux émotionnel captivant. Devant leurs œuvres, le spectateur est confronté à l’humanité dans toute sa complexité, avec ses peurs, ses angoisses, ses espoirs et ses divagations. Chaque élément utilisé est porteur d’une tension, d’une énergie que seuls eux savent capturer et transmettre. Leur force réside dans leur capacité à transformer les fragments les plus modestes en matériaux vibrants de vie. Leurs sculptures sont des métaphores saisissantes, véritables tragédies et sublimes échos de nos existences. Leur art nous confronte directement à l’intensité tragique et sublime de la condition humaine, libérant un magma d’émotions.

Leurs œuvres font partie de collections prestigieuses, notamment à New York avec l’American Folk Art Museum, la Collection Blanchard-Hill, la Collection Audrey B. Heckler et la Collection Lawrence B. Benenson. Également au Japon avec la Collection Takashi Murakami et en France avec le Musée de la Fabuloserie à Dicy et la Collection Cérès Franco à Montolieu ainsi que de nombreuses collections privées en France et à l’étranger.

Leur travail est représenté en permanence depuis 2012 par la Galerie Cavin-Morris à New York et également depuis 2018 par la Point Rouge Gallery à Saint Rémy de Provence.

 

Principales expositions :
 

2024

Outsider Art Fair, Cavin-Morris Gallery / New York

Paris Tribal, Galerie Le Toit du Monde, Paris Tribal / Paris

Passagers de l'incertain, Chapelle Sainte Anne / Tours la Riche

MythologieS, Centre culturel / Saint Raphaël

L'enfance de l'art, Point Rouge Gallery / Saint Rémy de Provence

 

2023

The Go-Betweens, Exposition avec Christine Sefolosha, Cavin-Morris Gallery / New York

Outsider Art Fair, Cavin-Morris Gallery / New York

Un mur - Un artiste, Point Rouge Gallery / Saint Rémy de Provence

Galerie Christine Colon / Belgique

Nature Morte, Point Rouge Gallery / Saint Rémy de Provence

Aux Frontières de l'Art Brut, Musée de la Halle Saint Pierre / Paris

 

2022

Outsider Art Fair, Cavin-Morris Gallery / New York

Un mur - Un artistePoint Rouge Gallery / Saint Rémy de Provence

Errances, Exposition avec Jérôme Delépine, Bruno Matthys Gallery / Bruxelles

 

2021

Super-Rough, Curateur : Takashi Murakami, OAF - Cavin-Morris Gallery / New York

Divers d'Hiver, Point Rouge Gallery / Saint Rémy de Provence

Winter Spotlight, Cavin-Morris Gallery / New York

Depuis notre terre, Exposition avec Jérôme Delépine, Point Rouge Gallery / St Rémy de Provence

 

2020

Outsider Art Fair, Cavin-Morris Gallery / New York

Les voleurs de feu, Coopérative-Musée Cérès Franco / Montolieu

A Deux, Collection Gustavo Giacosa et Fausto Ferraiuolo, Cité du Livre / Aix en Provence

Art Brut Global, Cavin-Morris Gallery / New York

Chapelle Sainte Anne, Espace d'Arts Contemporains / Tours

 

2019

Outsider Art Fair, Cavin-Morris Gallery / New York

Mavericks II, Cavin Morris Gallery / New York

Vacarmes silencieux, Point Rouge Gallery / Saint Rémy de Provence

Galerie Licence IV / Lyon

Chapelle Saint Libéral, Musée Labenche / Brive

St-Art, Galerie Pol Lemétais / Strasbourg

 

2018    

Outsider Art Fair, Cavin-Morris Gallery / New York

Rings Around the Moon, Cavin-Morris Gallery / New York

Sympathetic Magic, Wesbeth Gallery / New York

Welcoming the two faced Rider, Cavin-Morris Gallery / New York

Fantasmagories, Galerie Ferme de la Chapelle Lancy-Genève / Suisse

Chemins de Traverse, Maison des Arts / Evreux

Musée des Arts Buissonniers / Saint Sever du Moustier

Étrange, Château de Taurines / Centrès

Outsider Art Fair, Galerie Pol Lemétais / Paris

Outsider Art Fair, Galerie Jean-Pierre Ritsch-Fisch / Paris

St-Art, Galerie Pol Lemétais / Strasbourg

 

2017    

Resist, Galerie Cavin-Morris  /  New York

Outsider Art Fair, Galerie Cavin-Morris  /  New York

Galerie Grand'Rue  /  Poitiers

L'internationale des Visionnaires, La Coopérative - Collection Cérès Franco  /  Montolieu

Musée Les Arts Buissonniers  /  St Sever du Moustier

Souchaud Art Project invitée à la Galerie Licence IV  /  Lyon

Explorateurs et Jardins Perdus, Les Galeries de la Tour, Souchaud Art Poject  /  Lyon

Outsider Art Fair, Galerie Pol Lemétais  /  Paris

St'Art, Galerie Pol Lemétais  /  Strasbourg

 

2016    

Sculptures de l'Art Brut,  Galerie Jean-Pierre Ritsch-Fisch / Strasbourg

Outsider Art FairGalerie Cavin-Morris / New York

Hiding in the Bushes, Thierry Goldberg Gallery / Les Arts Buissoniers / New York

Takashi Murakami's Superflat Collection, Musée d'Art de Yokohama /  Yokohama

Librairie-Galerie Nicaise / Paris

Galerie Grand'Rue / Poitiers

Les Arts Buissonniers / St Sever du Moustier

Galerie Frédéric Moisan, Parcours des Mondes 2016 / Paris

Outsider Art Fair, Galerie Cavin-Morris / Paris

St-Art, Galerie Lemetais  / Strasbourg

ORIGIN, Caverne du Pont d'Arc  / Vallon Pont d'Arc

 

2015    

The Metro Show, Galerie Cavin-Morris / New York

Outsider Art Fair, Galerie Cavin-Morris / New York

In Dreams Begin Responsabilities 30 Years at Cavin-Morris / New York

Art Paris ArtFair 2015, Galerie Jean-Pierre Ritsch-Fisch / Paris

Forest Amuletum, exposition personnelle à la Galerie Cavin-Morris / New York

Les Arts Buissonniers / St Sever du Moustier

Outsider Art FairGalerie Cavin-Morris / Paris

St'art, les Arts Buissonniers / Strasbourg

 

2014    

The Metro Show, Galerie Cavin-Morris / New York

Praisesongs for the Numinous, Galerie Cavin-Morris / New York

Outsider Art Fair, Galerie Cavin-Morris / New York

Mycelium, génie savant-génie brut, Centre d'art contemporain / Abbaye Auberive

Freshet : Old Loves, New directions, Galerie Cavin-Morris / New York

The Outsiders, Galerie Grand-Rue et Musée des Arts Buissonniers / Poitiers

Les Arts Buissonniers / St Sever du Moustier

Outsider Art Fair, Galerie Cavin-Morris / Paris

St'art, les Arts Buissonniers / Strasbourg

 

2013    

The Metro Show, Galerie Cavin-Morris / New York

Outsider Art Fair, Galerie Cavin-Morris / New York           

Restless II a MIX!, Galerie Cavin-Morris / New York

Âmes sensibles, Musée d'Art et d'archéologie, Les Écuries / Aurillac

Outsider Art Fair, Galerie Cavin-Morris / Paris

Faceshifting - Masking the spirit, Galerie Cavin-Morris / New York

 

2012     

Outsiders, Au-dessous des Volcans / Mauriac **

Musée des Arts Buissonniers / St Sever du Moustier

Galerie de la Halle Saint Pierre / Paris

Restless, Galerie Cavin-Morris / New York
          

2011   

Outsiders, Au-dessous des Volcans / Mauriac **

Musée de l'Art en Marche / Lapalisse
 

2010   

Galerie Susi Brunner / Zurïch

Outsiders, Au-dessous des Volcans / Mauriac **

Outsider Days, l'Art en Marche, Haarlem / Pays-Bas

 

2009   

Galerie Susi Brunner, Literacy for All / Zurïch

Musée des Arts Buissonniers / St Sever du Moustier

 

2008   

Hang'Art / Saffré

Biz'Art-Biz'Art / Le Vaudioux

L'Art en Marche, 10ème anniversaire / Lapalisse

Un Monde de Bruts / St Sever du Moustier

Salon MAC / Paris

Outsiders days, l'Art en Marche. Haarlem / Pays-Bas


2007   

Centre d'Art Contemporain Crid'Art / Amnéville

The Intuit Show of Folk and Outsider Art, Chicago / Etats Unis

6ème Biennale Internationale d'Art Naïf / Laval

Galerie Objet Trouvé, Christian Berst / Paris

FIAC Art Verona, l'Art en Marche / Italie

Biennale internationale d'Art Hors les Normes / Lyon

Others, 32Fine Arts. New York / Etats Unis

Salon d'Automne / Paris

 

2006   

Un Monde de Bruts / St Sever du Moustier          

Art et Déchirure / Rouen   

Paris-Berlin, Espace des Blancs-Manteaux. Paris     

Galerie Singul'Art / Lyon

Galerie Hors Jeu. Genève / Suisse
 

2005   

Galerie Pro Arte Kasper, Morges / Suisse

Puls'Art / Le Mans

Le Printemps des Singuliers 2 / Paris


2004   

Un Monde de Bruts / St Sever du Moustier

L'Art en Marche, Masques en folie / Hauterives


1998   

Chapelle Marmontel / Mauriac
 

**Organisateurs de l'exposition Outsiders à Mauriac en 2010, 2011 et 2012.

 

Collections : 

American Folk Art Museum / New York   

http://folkartmuseum.org/

 

Collection Blanchard - Hill / New York

https://www.nytimes.com/2017/01/19/arts/design/monty-blanchard-art-interview.html

 

Collection Audrey B. Heckler / New York

http://www.themagazineantiques.com/article/a-little-off-center/

 

Collection Shari Cavin and Randal Morris / New York

http://www.sg-staelens.com/2016/09/artnews-an-ecosystem-thats-not-quite-in-control-of-itself-dealers-randall-morris-and-shari-cavin-on-their-collection-of-self-taught

 

Collection Takashi Murakami / Japon

http://www.artnews.com/2016/02/22/takashi-murakamis-superflat-collection-at-yokohama-museum-of-art/

 

Musée de la Fabuloserie / Dicy

http://www.fabuloserie.com/

 

Collection Cérès Franco / Montolieu

http://www.lacooperative-collectionceresfranco.com/galerie

 

 

FIAA – Fonds International d'Art Actuel / Le Mans

https://www.fiaa-lemans.com/

 

 

Musée des Arts Buissonniers / Saint Server du Moustier

http://www.lesnouveauxtroubadours.fr/arts-buissonniers/le-musee/

 

 

Collection Suzi Brunner / Zurich 

 

 

Collection Gustavo Giacosa et Fausto Ferraiuolo / Rome

https://www.sic12.org/a-deux

 

 

Collection Vincent Bonduelle / Lille

https://vincent-bonduelle.com/

 

Nombreuses collections privées en France et à l'étranger.

 

 

En permanence :

GALERIE CAVIN-MORRIS                                          POINT ROUGE GALLERY

529 W 20th Street, 3rd Floor                                                             21, rue Carnot

New York, NY 10011                                                                         13210 Saint Rémy de Provence

(212) 226-3768                                                                                 (33) 04 90 21 19 61                

http://www.cavinmorris.com                                                               https://pointrougegallery.com/

scavin@cavinmorris.com                                                                   contact@point.rouge-gallery.com

 

 

Texte écrit par Randall Morris pour l'exposition Forest Amuletum, New York, Avril 2015.

Pour moi, le silence a toujours eu sa propre musique. J’aime les films qui s’ouvrent sur une vague de silence, chaude et orchestrale, avant que l’intensité de l’action ne prenne le dessus. Lorsque la vie quotidienne est calme, nous pensons automatiquement qu’elle est silencieuse. Elle ne l’est pas. Le silence n’est réel que dans la Nature, lorsqu’il est fixé en un lieu qui a perdu le sens du temps.

Quand Ghyslaine et Sylvain Staëlens laissent leurs sculptures dehors, ne serait-ce que pour quelques instants, avant qu’elles ne voyagent vers le bruit de la civilisation, elles sont silencieuses dans la brise, les bourdonnement des insectes et les cris d’oiseaux. Comme si l’atmosphère pesante d’une ancienne église serait rompue par le seul battement des ailes d’un pigeon dans l’abside. La quiétude de la terre qui tient ses morts serrés contre sa poitrine, comme s’ils étaient endormis. Ce mutisme hésitant juste avant une pluie chaude. C’est ainsi que je vois leurs sculptures, comme des pauses dans le temps en trois dimensions. Ce moment où le temps se rattrape. Suivez cette caméra qui entre lentement dans leur atelier... Le temps reste à l’extérieur. A l’intérieur, il y a le bruit de la musique et des voix humaines. C’est le lieu où les œuvres prennent vie et s’achèvent. Le silence attend dehors, entourant la maison de ses bras en une longue et lente fugue invisible.

Les sculptures de Ghyslaine et Sylvain Staelens n’ont peur ni de la pénombre, ni de la lumière. Comme leurs créateurs, elles ont l’expérience des deux. Elles oscillent entre brume, clair-obscur et clarté en toute impunité. Elles sont expressionnistes et pourtant elles soutiennent élégamment tout regard critique. Elles sont mystiques, elles ne sont pas excentriques. Elles sont créées consciemment pour aller peupler une mystérieuse forêt. Sous un soleil gris, elles se fondent avec les grains de poussières, la lumière couleur miel et les sourds bavardages des vieux arbres. Elles peuvent êtres impétueuses, elles peuvent être méditatives, elles sont toujours énigmatiques.

En 2002, les Staelens sont venus s’installer à Jailhac en Auvergne. Ils étaient attirés par les matériaux de cette terre. Ils avaient besoin de cette immensité silencieuse et aimaient ce lieu où dominait depuis toujours la présence majestueuse et protectrice des forêts et des volcans.  C’est là qu’ils pouvaient trouver l’inspiration, les matériaux et les couleurs de la pierre broyée et poudreuse. Il y a un peu moins de trente habitants dans le village. Et beaucoup de vaches. La maison était dans la famille de Sylvain depuis ses arrière-grands-parents. Il y avait donc une histoire personnelle qui venait aussi se mêler à l’isolement du lieu.

Près de la maison-atelier se trouve la chapelle de Notre-Dame de Claviers, construite en 1109 de la même pierre volcanique que celle utilisée pour les sculptures. A l’extérieur, il y a un crucifix et des stèles correspondant aux quatorze stations du chemin de croix dont certaines ont été sculptées par François Lesmarie, un ermite du dix-neuvième siècle. On peut les voir de leurs fenêtres. Cela a sans aucun doute eu une influence formatrice. Dans la chapelle, il y avait aussi eu une sculpture de la vierge ; elle était très connue et a été déplacée plus tard dans un autre lieu. Mais la présence disparue de cette sombre figure n’a jamais quitté Jailhac ni en tout cas l’imagination des Staëlens. C’est l’une de leurs muses. Tout près, se trouve le Bois de Jailhac. Les Staëlens l’appellent «la forêt».

Il y a une différence entre influence et appropriation à propos du contact qu’un artiste peut avoir avec le monde. L’art primitif a toujours été impliqué dans une guerre entre ces deux idées. Les Staëlens vivent dans le monde contemporain, un monde rétrécit par Internet et la relative facilité à voyager. Les pays non-occidentaux, comme le Mexique où ils sont allés et l’Afrique où la famille de Ghyslaine a passé beaucoup de temps, ont toujours habité leur esprit, mais en tant qu’inspirations et témoignages artistiques, plutôt que comme sources formelles ou matérielles.
Pour un certain type d’artiste, de poète, ou de musicien, la permission de créer une œuvre véritablement personnelle est donnée par la force de toute son expérience esthétique. Une ruine maya provoque d’avantage le désir de puiser dans cette source créatrice que de reconstituer un terrain de jeu de balle. Le formalisme et les matériaux peuvent rappeler des techniques, mais pour qu’une œuvre transcende le temps, elle doit être originale et non volée.

Je n’apprécie pas l’art qui se réapproprie la religion ou la spiritualité pour leur soi-disant impact sensationnaliste. L’art est fluide, il n’a besoin de personne pour dérober des ombres et des esprits. Le domaine non réglementé de ce que l’on appelle, par erreur, «l’art outsider» est rempli de gens qui tentent délibérément de stimuler la vie des non-occidentaux ou leur religion ; que ce soit la Santeria ou les mauvaises interprétations du Vaudou. Mais plus encore, ils essayent d’imiter ce qu’ils pensent être la liberté du fou et de l’aliéné, sans reconnaître que, pour ces artistes qui sont à la source, les choses sont rarement aussi simples. On ne peut pas anticiper l’expérience primitive. Cette façon de faire n’est en fait qu’une autre manifestation actuelle du primitivisme.

Les Staëlens ne volent pas. Leur travail peut parfois venir de la même source créatrice que celle de certains autres artistes, mais ils n'essayent pas de s'approprier la magie. Ils produisent la leur. Et ils la produisent depuis assez longtemps pour qu'elle constitue aujourd'hui une oeuvre qui a ses propres références et paramètres. Leur travail puise dans la présence immédiate et sonore de la région où ils vivent et dans les fantômes et les mystères de ceux qui sont passés dans ce lieu et il les fait resurgir dans le présent. Oui, c'est de l'animisme, mais c'est un animisme de l'instant. C'est le pouvoir du céramiste lorsqu'il crée une sculpture à partir de la terre. Une alchimie liminaire. La terre, l'air, l'eau et le feu. La pierre, les plantes, la poussières, l'argile, le chiffon, la lave et la pierre inondée de vie. .


Toute création peut être un processus, aussi bien  intégré dans un courant artistique dominant qu’en dehors. Les œuvres qui appartiennent à ces mouvements répondent ou suivent, pour la plupart, l’histoire de l’art ou un discours de l’histoire artistique. Qu’il réagisse pour ou contre cette histoire, l’art est orienté vers un monde artistique. C’est un art qui cherche souvent à parler de lui-même et répond à des questions sur la place qu’il occupe dans un discours donné. Son objectif est souvent une rationalisation de ses moyens plutôt qu’une justification.


L’art qui se fait en dehors des courants dominants a une intention radicalement différente, car à sa source, il n’a pas ou presque pas, de relation avec les discours du monde artistique. Les similarités formelles ne sont pas, dans la plupart des cas, une pure coïncidence. Cet art est presque toujours stimulé par des raisons utilitaires, voire homéopathiques. Souvent, le processus de la création même prend une importance suprême par rapport au résultat. L’art, c’est faire l’œuvre. L’art, c’est la fusion de l’artiste avec la pièce en train de se faire. Parce que ce processus est souvent, à un niveau ou un autre, visionnaire. Il guérit, ou met en péril, ou devient une histoire. Il fait partie du chemin que prend son créateur dans la vie. Il peut être personnel, même solipsistique, ou il peut servir de fanal pour une communauté. Il ne se déconnecte jamais complètement de la vie. Son but originel n’est pas d’entrer dans un discours dominant.
Une fois que tout ceci est bien clair, il est alors possible de comprendre que le monde artistique en dehors des courants dominants a une portée bien plus grande. Il se fait, dans une forme ou une autre, sans toutes les cultures du monde ; certaines ne l’envisagent pas comme de l’art, mais plutôt comme une manifestation de la vie quotidien ; elles ne le différencient pas de l’acte même de vivre. C’est quelqu’un d’autre qui le nomme «art».
Il peut être remède, il peut être auto-thérapie, il peut être une façon de contrôler le chaos du monde, il peut être magie ou pouvoir, bien, mal, ou moralement neutre. Il peut enregistrer l’histoire d’une communauté, le monde du soi. Il peut être une amulette. En fait, il est souvent une amulette. Les Staëlens, Ghyslaine et Sylvain sont des créateurs d’amulettes.
Il n’y a ni loi ni règle pour cette forme d’art. Certains historiens de l’art disent souvent ce qu’il n’est pas, mais rarement ce qu’il est. C’est un art du processus. Et il est important de comprendre que c’est le processus créateur qui permet de rester en contact, en équilibre, en synchro avec un monde; qu’il s’agisse de celui du soi ou de la communauté dont il fait partie.


Dans le cas des Staëlens, il s’agit aussi d’une magie emphatique. Travailler, toucher, placer, modeler les objets de la Nature vous rapproche d’elle. Ce n’est pas la poupée dans sa cérémonie enchantée et fusionnelle qui est magique, c’est l’acte de fabriquer la poupée. C’est le cérémoniel pour enfoncer les clous qui en fait la magie ou qui en fait de l’art, ou les deux.
Certains s’accommodent de la seule vision de la terre ; absorber ses lignes, sa chaleur et ses humeurs ; l’absorber d’une manière abstraite. D’autres ont besoin de fusionner avec elle, en quelque sorte, en la façonnant, en l’utilisant, en rassemblant des matériaux. En créant, l’artiste absorbe le paysage. En ce sens, les Staëlens se fondent dans l’Auvergne. Ils sont imprégnés de l’essence de son histoire provinciale, et la transmettent aux pièces qui naissent de leurs doigts.
Cette région française rurale est très catholique, catholique populaire. Il y a toujours eu une tension entre le bien et le mal dans le catholicisme populaire. Et, comme dans tous les lieux où cette tension est tangible, on trouve des partisans du bien, des partisans du mal, aussi bien que des personnes neutres qui peuvent aller d’un côté ou de l’autre. Certains l’appellent guérison, d’autres l’appellent sorcellerie. Là où une population vernaculaire utilise encore des accoucheuses et des herbes, il y a toujours des gens pour parler de sorcellerie. Le mot sorcière est trompeur bien sûr. Partout ailleurs, il s’agit davantage d’une présence forestière légendaire. Cela n’a de sens que dans la mesure où c’est dans les lieux sauvages que se trouvent les éléments naturels nécessaires pour guérir et vivre des expériences chamaniques.


Les sculptures des Staëlens viennent de la forêt et des volcans. C’est comme si elles avaient été constituées au hasard d’une rafale de vent qui en aurait rassemblé les bribes éparpillées, et s’étaient rassemblées en une population mystique et atemporelle. Ce sont des guerriers et des gitans, des guérisseuses et des sorcières, des totems et des gardiens qui exhibent ce qui constitue leur esprit amulétique : les racines, le métal, les herbes et les pierres volcaniques.
A mon avis, leur manière de travailler et leurs œuvres s’appuient sur un concept incroyablement poétique. Je comprends tout à fait ce sentiment, ce désir, de se fondre dans le lieu. Nous sommes des créatures historiquement diasporiques. Il est impossible pour moi d’observer des ruines, ou une forêt, ou un désert et de ne pas sentir l’essence de ce qui est, ou a pu se passer avant. Chaque forêt est la somme de ce qui est passé par elle. Elle est en rapport, depuis le début, volontairement ou pas, avec les membres de notre espèce. Je pense aux indiens d’Amérique qui considéraient les forêts et terres sauvages comme d’immenses jardins. Je pense a tous les êtres qui ont peupler la forêt, comme les chasseurs ou les Marrons, solitaires ou en groupes, et je comprends qu’il s’agit de cette essence que les Staëlens saisissent.


Cette magie n’est pas la magie d’un grimoire ou d’un feuillet d’alchimiste. Les groupuscules occultes qui étaient à la base des sociétés secrètes n’ont pas de place dans cet art. C’est le blues du besoin quotidien. Cette magie est chamanique. Et non créée par des chamanes. Elle est le désordre, le poison et l’élixir, l’accouchement et la guérison des malades, la préparation des animaux pour la chasse, les récoltes, l’élevage, l’amour et la guerre. C’est une magie née des rythmes de l’existence là où les traditions populaires continuent à dicter le quotidien.


«Quand nous sommes arrivées en Auvergne, nous étions cernés par le Catholicisme, nous absorbions la crucifixion, les esprits religieux, et, avec le temps, les années en Auvergne, nous avons commencé à créer des personnages en harmonie avec la forêt et les volcans, chasseurs, sentinelles, gardiens, cavaliers, individus mystérieux, robustes, se battant pour leur survie. Toutes nos sculptures sont connectées les unes aux autres depuis que nous avons commencé».
L’art, pour eux, c’est aussi une manifestation significative de l’auto-guérison. Ils ont fui Paris avec la conviction qu’y rester serait un acte ultime d’auto-destruction. Leur travail n’était pas épanouissant et nourrissait la désintégration. Le cycle «nuit-drogues-métro-boulot-métro-drogues-dodo». Encore et encore. Mais ils ont pressenti l’auto-destruction et ont réagi. L’art est devenu une manière de survivre avec dignité. Ils avaient soif de la vide plénitude de la Nature et ils ont coupé les ponts.


En Auvergne, le silence et l’isolement avaient leur propre forme d’épanouissement artistique et mystique. Les premières œuvres étaient abstraites. Des formes simplifiées. Ils imaginaient des offrandes et des sacrifices symboliques dont les restes auraient pu être retrouvés suspendus dans la forêt après les rites. Ils fabriquaient des structures pour accrocher ces offrandes. Ensuite, l’évolution naturelle a été de peupler ce monde. En un sens, ces figures protégeaient leurs propres forêts primitives ; hérissées et dangereuses, féroces mais nourricières.
Leur voisins, qui étaient des catholiques dévots, les regardaient avec une certaine méfiance, même si certains étaient sensibles à la beauté et respectaient la quantité et l’éthique de travail nécessaires à la création de ces pièces. Les relations se sont détendues au fil du temps, mais il y a toujours un léger sentiment de crainte, de méfiance. Les pièces contiennent beaucoup d’éléments relevant de la sorcellerie populaire : nouer des tissus et enfoncer des clous ; une pratique que beaucoup considèrent comme africaine, mais qui est en fait tout aussi européenne. Enfoncer un clou, c’est générer une énergie unificatrice, une accentuation. Le pouvoir est dans l’acte de l’enfoncer ; sa présence reste ensuite comme le témoin de ce pacte, de cette décision. Dorénavant, les voisins aident les Staëlens à trouver des matériaux.


Il y a un but, un objectif : se souvenir que sous les artifices de la vie, il y a les vraies entrailles de la vie, exposées à l’air «amochées, pleines de défauts... Mais dignes et authentiques...». On a toujours les moyens de faire le bien et les sculptures sont les messagères de cette possibilité qui est ancrée dans leur apparence et leurs matériaux. Elles sont aussi ancrées dans leur lieu d’origine. Leur présence est historique : la transcendance occidentale d’individus qui travaillent ensemble, bien plus que le cycle non-occidental de se rapprocher de ses ancêtres.
L’artiste sent que si ce désir, ce besoin de «dignité, de respect de soi et des autres», est perçu comme mystique, alors oui, ses œuvres sont certainement mystiques. Mais elles sont spirituelles et non pas religieuses ou rattachées à une institution religieuse. Elles ont un profond respect pour les objets de culte du monde entier, mais elles blâment la religion pour la confusion et la douleur qu’elle engendre partout.


La vie doit être vécue dans le présent, et non dans la poursuite abrutissante d’une vie meilleure après la mort. Leur travail leur permet de se rattacher au présent vital mais sans être des abeilles ouvrières d’une ruche industrieuse. Encore une fois le processus de création devient un chemin spirituel vers leur auto-guérison et, ce-faisant, ils troublent le monde et participent à son propre rétablissement.

Il y a beaucoup à dire sur ce concept d’intériorité et d’extériorité. Un exemple flagrant, bien que culturellement différent, est celui des figurines vaudou du Benin et du Togo. Les pièces sont une explosion de matériaux, du sang au bois, en passant par le fer et le tissu. Elles sont mystérieuses sous leur patine. La couleur leur donne un sens. Les entrailles à l’air, le dedans et le dehors se sont inversés.


Suzanne Preston Blier a écrit un magnifique paragraphe sur ce sujet dans son livre sur l’Afrique Vodoune. Elle y cite M.M. Bakhtin et son observation sur le grotesque dans l’art populaire européen : «La primauté et le pouvoir du grotesque vient de son lien avec les idées d’insatisfaction, de déséquilibre et de changement» et «le corps grotesque [...] est un corps en phase de devenir. Il n’est jamais terminé, jamais complet [...] Ainsi, la logique artistique de l’image grotesque va à l’encontre de ce qui est clos, lisse, surface impénétrable des corps, et de ce qui retient les excroissances (les germes, les bourgeons) et les orifices ; elle ne peut être que ce qui dépasse l’espace limité du corps ou plonge dans ses profondeurs». Elle poursuit en soulignant les thèmes de extériorité et de l’intériorité, de la surface et de la profondeur, de l’endiguement et de l’exclusion, du recouvrement et de la mise à nu, de la séparation et de la fusion, de la tension et du relâchement, du contrôle et de l’ambiguïté ; ce travail donne à voir un corps inversé dont les éléments internes sont exagérés, et ou les espaces internes et externes se sont intervertis.


Les Staëlens vont encore plus loin en créant des sculptures d’une agressivité protectrice qui ne fournissent pas qu’une protection amulétique, mais qui ont un rôle d’observateurs et de quantificateurs d’humains qui entrent en contact avec eux. «Nos sculptures sont des garde-fous. Elles nous protègent de nos excès, et nous obligent à nous tenir à une discipline de vie...». Ils remarquent que leurs sculptures font le tri parmi leurs invités et que ceux qui sont mal à l’aise devant leurs sculptures ne sont généralement pas a l’aise avec les Staëlens non plus. Ils expliquent ceci par le fait que certaines personnes ne sont pas capables d’introspection sans en être dérangées.


Alors le travail des Staëlens est sans aucun doute une parfaite extension de ce dont Bakhtin et Blier parlent. Cela ne veut pas dire que leurs pièces leur pouvoir provocateur les empêchent d’être belles. Leurs corps sont ouverts et leurs organes mystiques exposés. Elles sont pleines d’espaces sacrés dans lesquels le chaos a été contrôlé par l’artiste qui l’a tissé en une sorte d’ordre sauvage. Bien-sûr cela reflète un transfert, la traduction de la récupération de leur propre vie à travers l’exigent processus créatif de l’artiste. Leur mélodie intérieure se traduit dans le protectionnisme sauvage des pièces. A mesure que la population de ce monde s’intensifie et grandie, ceux qui les créent se développent aussi. Comme tous les parents le savent, l’art de protéger est un art dangereux, et c’est à n’en pas douter.
 

Randall Morris, New-York, 22 février 2015

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